my GREECE  by dominique milliez

La quartier Lakkos à Héraklion avait depuis longtemps une très mauvaise réputation. Un monde "underground", infréquentable où fumeurs d'herbes qui font rire, criminels endurcis, prostituées, trafiquants en tous genres, et autres maraudeurs se croisaient dans les ruelles étroites et grises de crasse.

 

Au centre de ce cloaque, le café de la place Lakkos accueillait toute la misère de ce monde clos. Après la 2e guerre mondiale, le quartier s'est vidé de plus de la moitié de ses habitants. Les maisons tombaient en ruine et le café Lakkos lui aussi avait rendu les armes. Le quartier était promis aux buldozzers d'une opération de rénovation municipale, sans état d'âme. 

 

Et Mathew posa son sac

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Jusqu'à ce jour de  2013 où Mathew Halpin, un australien, venu d'Estonie, en quête de nouvelles démarches artistiques, posa son sac au milieu de ces résidents marginaux. Mathew tomba immédiatement amoureux de l'endroit à cause de son histoire mouvementée et "colorée".

 

Artiste ayant bourlingué à travers l'Europe, il décida finalement de s'installer définitivement. Son regard l'a porté sur une autre lecture du site : de remarquables maisons ottomanes, jouxtant des bâtiments néo-classiques ainsi que des vieilles maisons traditionnelles de la population paysanne crétoise. Les rues escarpées cachent quelques jardins. Et ces habitants ! Des personnes pour la plupart âgées, promptes à raconter leur Histoire, à tenter d'arranger leur ordinaire avec quelques modestes pots fleurs, et puis aussi enclins à faire ensemble la fête au quartier. Tout cela conduisait à dessiner un autre projet pour sauver ce village exceptionnel par rapport à la ville plutôt monotone de Héraklion. 

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Les envies de faire bouger les choses de Mathew et des habitants croisèrent en 2015 l'équipe projet municipale lors de  réunions au Kafenio Lakkos. Alignement heureux des planètes, sans doute, il venait à bon escient de réouvrir ses portes. Un nouveau projet germa ainsi sur le mode "collaboratif". 

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Un projet porté par les habitants

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Puis on passa à l'action. On se mit à décorer selon ses goûts portes, volets, fenêtres. Les habitants en mal de créativité et aussi de revendications n'hésitèrent pas à se saisir de l'occasion pour investir également leurs murs. Ils les ornèrent de fresques ironiques, poétiques, politiques ou simplement décrivant leur passion... Des artistes se joignirent à la fête picturale. Qu'ils soient d'ici, de Crète ou encore d'autres pays, la liberté d'expression des peintres est totale.

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Mieux encore : une grande fresque murale fut dessinée sur l'un des hauts murs de la place. Elle reproduit une vieille photo des anciens habitants faisant de la musique... sur la place Lakkos, justement. Ce témoin jauni par le temps, d'une autre époque : celle du Lakkos heureux, a été retrouvé lors des travaux de rénovation du café. Chaque résident peut ainsi y retrouver la figure de ses parents, des amis de la famille, des voisins, de ceux qui ne sont plus...

 

L'émotion était grande, que dis-je, mémorable, quand on inaugura la grande fresque à coups d'ouzo et de mezze. On décida alors d'organiser régulièrement des fêtes sur la place avec les habitants, les artistes, les édiles municipaux et le Pope. Le succès s'est affirmé au fil du temps. Certains ont même parlé d'un "festival Lakkos". 

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Une résidence pour les artistes

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Puis une idée qui trottait déjà dans quelques têtes, fulgura : on était mûr pour accueillir ici un centre dédié aux peintres, écrivains et tous les porteurs de créations artistiques. Le projet Lakkos était né. 

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Ainsi, chaque année, une trentaine ou quarantaine d'artistes sont accueillis, logés et nourris. Ils peuvent participer aux travaux de rénovation urbaine, exposer leurs oeuvres au Café Lakkos, devenu, aussi une galerie d'art et même chez les particuliers.

 

Mais le projet a ses limites. La municipalité qui contribue financièrement doit aussi conduire d'autres chantiers importants dans d'autres quartiers de la ville. Par ailleurs, les artistes résidents, happés par d'autres projets, partent souvent avant la fin convenue de leur séjour. Et puis, quelques habitants désertent leur maison pour les louer aux touristes en format Airbnb, plus lucratif.  

Reste que le projet Lakkos est devenu une référence de rénovation urbaine enviée par plusieurs municipalités de la Grèce.